Das Schloss Ollwiller

La vigne de Bacchus au Château Ollwiller

Das Schloss Ollwiller

En 1849, alors âgé de 25 ans, Georges Louis Grandidier soutenait sa thèse à l’Université de Strasbourg dans le cadre d’un doctorat en botanique et en agronomie. N’ayant pas de relations haut-placées, il fut ensuite contraint d’accepter un poste peu prestigieux de professeur de campagne, dans le lycée agricole tout proche récemment fondé sur le domaine viticole du Château Ollwiller, dans le département du Haut-Rhin.
Son métier peu exigeant de professeur l’ennuyait, mais le chercheur passionné trouva de quoi se distraire dans les archives du château, ainsi qu’auprès de Claire, la charmante fille du châtelain…

Mais un jour, Claire tomba gravement malade, et aucun médecin ne savait comment lui venir en aide. Son état se dégradait à vue d’œil, Georges était atterré. Il mit tout en œuvre pour trouver un moyen de la guérir. Et il finit même par abandonner son rigoureux scepticisme scientifique : dans les archives du château, il avait lu plusieurs récits datés de siècles différents qui parlaient d’un vin mystérieux et miraculeux, qui eut été produit de temps à autre à Ollwiller. Il pouvait être source de vie, mais aussi de mort.

Jusqu’à présent, il considérait cela comme une vieille légende, mais dans le doute, il préférait n’exclure aucune option. Muni d’anciens plans issus des archives, il entreprit d’explorer les profondeurs des caves du château.

Et là, il fit une découverte pour le moins surprenante : devant lui s’élevaient les ruines d’un temple séculaire. Et au beau milieu, un cep de vigne s’épanouissait miraculeusement. Même sans le moindre rayon de soleil, des feuilles verdoyantes poussaient de partout, et des grappes abondantes ornaient ses branches. Georges était ébahi : venait-il de mettre la main sur la vigne de Bacchus ?

« Les spécialistes ont toujours considéré cela comme un mythe. Mais à la faculté d’agronomie, tout le monde connaissait l’histoire de la vigne divine, qui aurait été importée en Alsace par les Romains il y a 2000 ans de cela. »,

écrivait Georges de nombreuses années plus tard dans une lettre à l’Adventure Club of Europe.

« Afin que la vigne prospère aussi ici, ils édifièrent un temple à la gloire de Bacchus, leur dieu du vin, de la vitalité, des arts, de l’extase mais aussi de la folie. Et ils y plantèrent un pied de vigne issu du sanctuaire du dieu à Rome. Si un prêtre venait à boire de son vin en quantité adéquate, Bacchus lui offrait force de vie, inspiration et énergie créatrice. Mais si l’on dépassait la dose requise, on tombait en proie à la folie. »

Georges en conclut que le château avait été érigé sur les ruines de ce temple. La vigne divine de Bacchus avait survécu au-delà des siècles, et a été mise à contribution de temps à autre. C’est de là que venaient ainsi les récits de ce vin qui pouvait être source de vie, mais aussi conduire à une folie meurtrière.

Georges produit ainsi du vin à partir de cette vigne, le plus excellent qu’il n’avait jamais goûté. Avant de le donner à boire à Claire, il le dilua néanmoins avec de l’eau et de la glace : Ainsi elle pouvait profiter de ses bienfaits sans pour autant sombrer dans la folie.Les deux se marièrent ensuite, et Georges devint finalement directeur du lycée agricole. Ainsi, il a pu rester le gardien de la vigne de Bacchus toute sa vie durant. Il ne rendit jamais sa découverte publique, car elle lui semblait trop dangereuse.

C’est seulement vers la fin de sa vie incroyablement longue (la vigne offrait une grande force de vie, mais pas l’immortalité pour autant) qu’il commença à se soucier de comment la protéger efficacement après sa mort. Par le biais de connaissances, il pu entrer en contact avec des membres de l’ACE, puis il rédigea une longue lettre adressée au président de l’époque, où il décrivait sa découverte et priait l’ACE de la protéger désormais.

En outre, il se raconte dans les couloirs de l’ACE, que le Dr. Georges Louis Grandidier n’a pas seulement assuré la conservation de la vigne divine, mais qu’il a effectué quelques expériences avec elle. On dit qu’il a procédé à des croisements avec des cépages classiques, afin de garder ses bienfaits salutaires tout en supprimant les effets secondaires dangereux. Et effectivement, on dit encore aujourd’hui du « Grand Cru Ollwiller » que c’est un vin particulièrement vivifiant et inspirant…

Ballonfahrt Liechtenstein

L’incroyable vol en montgolfière vers le Liechtenstein

Ballonfahrt Liechtenstein

Certains élèves de l’académie européenne d’aventuriers ont récemment remis la main sur un document palpitant dans les archives de l’ACE. Il s’agit d’un journal de recherches relatif à une expédition en montgolfière de 1823, jusqu’alors inconnue, des pionniers de l’aéronautique Eckbert et Kaspar Eulenstein. Selon les schémas, les frères avaient prévu une expédition en montgolfière à destination de l’Angleterre, afin de réaliser des expériences en vol et d’observer les courants ascendants et rabattants, aussi bien au-dessus de la terre ferme que de la mer, et d’étudier au plus près les comportements en vol des oiseaux. Les vents étaient favorables au moment où les deux frères montèrent à bord de la montgolfière sur le parvis du Voletarium, leur atelier situé au pied de la Forêt-Noire.

Puis quelque chose d’inattendu se produisit, comme le nota Eckbert :

« Nous avions atteint une bonne altitude de vol, et nous devions nous mouvoir vers le nord-ouest selon nos calculs précis et en toute logique, mais soudain, un vent violent se leva et nous poussa dans la direction opposée ! C’est vraiment inexplicable. »

Les deux frères n’avaient d’autres choix que d’observer et de prendre des notes, alors qu’ils furent emportés en ligne droite au-dessus de la Suisse. Kaspar nota :

« On vole désormais depuis presque deux heures à allure constante et soutenue. Le vent qui nous porte n’a l’air d’agir que sur la montgolfière : les oiseaux qui nous entourent n’ont pas l’air d’être troublés par ce courant particulier, c’est vraiment très curieux ! »

Et quand ce courant d’air se mit à faiblir progressivement, les frères étaient en train de survoler les Alpes. Bientôt, les Eulenstein se mirent à discerner un cône lumineux distinct, de couleur verte et haut de plusieurs mètres, qui éclairait vers le haut et qui était visible au loin. Avec une écriture hâtive et tremblante, on peut lire la description à chaud de Kaspar des événements palpitants qui suivirent :

« Le vent qui nous a menés ici faiblit de plus en plus, et nous perdons de l’altitude ! C’est vraiment l’endroit le plus inapproprié, au beau milieu des arêtes rocheuses… et de plus, on se dirige droit sur la mystérieuse lumière verte ! Toutes nos tentatives de reprendre le contrôle ont échoué jusqu’à présent. Impossible de naviguer, on ne peut qu’espérer et attendre… »

Mais ces craintes se révélèrent bien heureusement injustifiées peu après, car les notes suivantes font état d’un atterrissage presque autonome de la montgolfière sur un haut sommet. En reprenant les indications du plan de vol, on peut déduire qu’il s’agissait là du plus haut sommet du Liechtenstein, le Grauspitz, qui était à l’époque ingravissable en raison de ses versants abrupts et impraticables.

Eckbert écrivait :

« Nous avons pu atterrir sains et saufs à proximité du phénomène lumineux vert sur la crête.  Le rayonnement est encore plus intense ici, et possède une force d’attraction inhabituelle. Après nous être rapidement concertés, nous avons pris la décision d’aller observer ce phénomène étrange de plus près. »

Malheureusement, les contributions concernant ce phénomène s’arrêtent là. La suite du journal de bord, qui est en possession du club, décrit le voyage du retour avec la montgolfière. Il semble que les Eulenstein ont passé sous silence, et ce même dans leurs notes de recherche privées, ce qu’ils ont trouvé sur cette montagne, ainsi que leurs conclusions liées à cette découverte faite au Liechtenstein. Ce qui est certain, c’est que cette expédition a renforcé leur conviction de la nécessité de développer un aéronef pilotable, afin de ne plus être ballotés au gré des vents. Et ils ont aussi collecté nombre d’informations qui leur ont permis de mettre leur plan à exécution avec succès deux ans plus tard.

Afin d’étudier le contour de ces événements extraordinaires, l’ACE planifie dans un futur proche une série d’expédition en montgolfières à destination du Liechtenstein, afin de reconstituer le vol originel des Eulenstein et de retrouver la trace du mystérieux phénomène lumineux.

La voiture fantôme de Waldkirch

Les éclats de verre de la vitrine brisée scintillent au clair de lune. Furieuse, la famille Börschig se hâte dans la rue pour constater les dégâts devant sa boucherie.
« Elle a frappé à nouveau », chuchote une voisine qui avait passé sa tête par la fenêtre. « Elle est de retour. »
On entend le grondement d’un moteur au loin, les enfants se cachent derrière leur père.
Puis le silence.

On lui avait donné nombre de noms depuis qu’elle sévissait dans Waldkirch et alentours vers la fin des années 50. « Tire d’enfer », « caisse du diable » ou encore « voiture fantôme » étaient quelques un de ces sobriquets. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ces noms légendaires ? Pour comprendre ce qui est l’un des plus grands mythes de l’histoire récente de la Forêt-Noire, il nous faut faire un petit voyage dans le passé.

Car tout a commencé lors d’une journée ensoleillée en automne 1957. Le 12 octobre pour être précis. Pour son huitième anniversaire, le membre honoraire de l’ACE Roland Mack a reçu un cadeau très particulier : une petite voiture à essence récupérée des premières « auto-tamponneuses » que la famille Mack concevait à l’époque, et qui allaient ouvrir la voie aux désormais célèbres pistes de go-kart. Son père Franz Mack avait passé des semaines à rénover ce véhicule hors d’usage pour en faire une voiture flambant neuve. Il l’avait même équipé d’un moteur plus puissant, afin de faire le bonheur de son fils féru de vitesse.
Et le cadeau fut un succès sur toute la ligne : le jeune Roland et sa voiture étaient inséparables. Tous les jours, il la conduisait jusqu’à ce que le réservoir soit à sec, et se mit à rêver d’un avenir sur les pistes : il voulait devenir pilote de course.

Jusqu’ici tout va bien. Mais à partir de ce point de l’histoire, les versions diffèrent sur la suite des événements. À partir des nombreuses variantes de la légende qui ont circulé durant des décennies parmi les habitants de Waldkirch, l’expert en légendes Fritz Erchinger a travaillé d’arrache-pied pour reconstituer le déroulement probable de l’histoire pour le compte de l’Adventure Club of Europe :

Une nuit, alors que la famille Mack dormait à poings fermés, le jeune Roland fut réveillé par un bruit de moteur. Un bruit peu commun dans cette région à la fin des années 50. Il regarda par la fenêtre, et écarquilla les yeux quand il vit sa voiture foncer à toute allure hors de l’abri de jardin avant de disparaître dans l’obscurité.
Croyant à un vol, Roland inspecta les environs avec une lampe de poche, mais ne trouva pas sa voiture. Dépité et éreinté, il retourna au lit pour dormir. Et le lendemain, quelle ne fut pas sa surprise de retrouver la voiture à sa place dans l’abri de jardin. Que s’était-il passé ? Quelqu’un l’avait-il subtilisée en catimini ? Ou n’était-ce qu’un rêve ?

Dans les semaines qui suivirent, on entendait de plus en plus d’histoires à dormir debout à propos d’une voiture qui sèmerait la terreur dans Waldkirch une fois la nuit tombée. Celle qu’on appelait majoritairement « la voiture fantôme » avait été aperçue par de nombreux témoins oculaires qui prétendaient fermement avoir vu ce véhicule circuler dans les rues sans conducteur au volant.

« Ma grand-mère racontait que c’était comme un loup-garou », écrivait l’auteur originaire de la région Willi Thoma à propos du phénomène. « Elle ne circulait qu’au clair de lune. Elle semblait disposer d’une conscience propre. Une nuit où je ne trouvais pas le sommeil, je l’ai vue devant notre maison. Et je jure sur ma vie qu’il n’y avait personne au volant. »

Selon l’expert Fritz Erchinger, d’autres accusaient la sorcière Gfällrote, connue pour hanter le massif du Kandel, d’être à l’origine de la malédiction. « C’est à coup sûr un mauvais sort de Gfällrote, affirmait mon oncle », racontait le cordonnier de l’époque Hans Streich lors d’une émission radio, retrouvée dans les archives des années 90 par les chercheurs.

Roland Mack ne s’exprime pas quant aux légendes qui circulent sur son ancien véhicule.
« Je ne m’en souviens pas très bien », expliquait-il tout en lançant un clin d’œil lors d’un événement de l’Adventure Club of Europe en été 2017.
Mais Fritz Erchinger trouva enfin du nouveau quand il mit la main sur une interview de Roland Mack donnée dans les années 70, peu après l’ouverture d’Europa-Park. Dans cet entretien, Roland, alors âgé de 30 ans, explique comment il à découvert le pot aux roses.

Après avoir observé nuit après nuit comment sa voiture filait sans conducteur, Roland trouva une ancienne biographie familiale, où Paul Mack rapporte des faits similaires autour de l’an 1800. Le fondateur de l’entreprise qui s’appelle désormais « Mack Rides », a observé que l’un des carrousels mécaniques qu’il avait fabriqué pendant son temps libre se mettait à tourner tout seul de nuit.
Après de longues recherches, Roland Mack découvrit que son père Franz avait utilisé d’anciennes pièces de l’entreprise familiale pour rénover la voiture. Dont une bobine qui émanait du premier carrousel de la famille, selon la légende.
Roland Mack se mit à bricoler sur la voiture, ce qui éveilla son intérêt pour la mécanique et l’ingénierie, comme il confia plus tard. Mais avant qu’il ne trouve la bobine en question, la nuit tomba. Avec le jeune Roland assis sur le siège conducteur, la voiture démarra comme par enchantement et déboula à toute allure à travers Waldkirch. Elle se dirigea droit vers la vitrine du boulanger, et la collision semblait inévitable. Mais au dernier moment, le jeune Roland âgé d’à peine 8 ans parvint à maîtriser le véhicule. Il retira la bobine et reprit le contrôle de la voiture.
D’un jour à l’autre, la célèbre malédiction de la voiture fantôme de Waldkirch prit fin.

Après un déménagement de la famille Mack, la voiture resta dans l’ancienne usine au pied du château de Kastel. Au bout de quelques décennies, elle tomba dans l’oubli, jusqu’à disparaître complètement des radars. Mais Roland Mack tenait beaucoup à ce véhicule pour maintes raisons. Il lui devait son intérêt à la fois pour la mécanique et pour la vitesse, ce qui se traduira plus tard par la construction d’innombrables grands huit à sensations.

En 2019, l’histoire de la voiture fantôme de Waldkirch allait prendre un nouveau tournant surprenant. Le fils ainé de Roland, Michael Mack, découvrit que la voiture était exposée au Musée de l’Art Forain.

À l’occasion de son 70e anniversaire, Roland Mack célébra ainsi également ses retrouvailles avec ce véhicule légendaire de sa tendre enfance.

Aujourd’hui, l’Adventure Club of Europe est fier de pouvoir annoncer que Roland Mack met cette voiture à essence d’exception à disposition de l’ACE pour l’exposer dans son musée.

Et lors de la remise de la voiture, quand on lui demanda s’il possédait encore l’ancienne bobine de Paul Mack, Roland répondit malicieusement :

« Attendons de voir ce qu’il se passera une fois la nuit tombée. Si au clair de lune, un moteur se met à gronder étrangement dans Rust, nous verrons bien ce qu’il en est… »

Le Troll de la Grønligrotta

C’était lors d’une douce soirée d’été dans la belle petite ville de Mo i Rana en Norvège que les deux amis Kjell et Morten circulaient à vélo à travers les rues désertes. « Douce » – à quelques encablures du cercle polaire, cela voulait dire pas plus de 13 ou 14 degrés – mais cela suffisait aux deux jeunes hommes pour profiter de leur été en t-shirt. La météo était donc clémente. Le problème, c’était l’ennui. Ils connaissaient la moindre ruelle, le moindre pavé ou magasin. Rien de neuf à découvrir à l’horizon. Encore deux ans avant d’avoir leur diplôme de fin d’études secondaire en 1986, encore deux ans avant de pouvoir enfin partir de là. Pour aller où ? N’importe. Pourvu qu’il y ait plus à faire qu’ici.

Au début des années 80, on aurait eu peine à imaginer que les deux frêles jeunes hommes qu’étaient Kjell Henriksen et Morten Holm allaient devenir quelques années plus tard des spéléologues renommés et membres de l’ACE et inscrire leur nom dans l’histoire. Mais l’esprit de découverte brûlait déjà en eux. Lorsqu’ils aperçurent le panneau indiquant la grotte de Grønligrotta, ils eurent soudain une idée. Malgré l’interdiction formelle de leurs parents de rendre seuls à la grotte, les deux compères ont toujours éprouvé une grande fascination pour cette grotte calcaire de quatre kilomètres de long, située à quelques pas de leur ville natale et théâtre de nombreux mythes et légendes. Et comme le sait tout aventurier : l’ennui combiné à la curiosité est un mélange explosif.

Les deux décidèrent alors de faire le mur cette nuit-là en emportant provisions, sacs de couchage et lampes de poche afin d’explorer la légendaire grotte de leur propre chef. Lorsqu’ils descendirent dans la fosse qui menait à l’entrée de la grotte, ils eurent un mauvais pressentiment, mais jusqu’ici le plan s’était déroulé sans accroc. Plein d’enthousiasme, ils explorèrent les dédales de calcaire et finirent par atteindre une salle débordante de stalactites et de stalagmites.

Ça ressemblait presque à l’intérieur d’une cathédrale. Du haut de mes 16 ans, je n’avais jamais quelque chose d’aussi merveilleux. Et c’est à ce moment que j’eu une pensée révélatrice : cet endroit fantastique était là, caché sous mes pieds depuis ma naissance. Juste sous les rues monotones de ma ville natale. Je me demandais, quels mystères souterrains ce monde pouvait encore nous réserver. Des lieux inexplorés, qui n’attendent que d’être découverts par l’Homme.

– Kjell Henriksen

 
Poussés par l’euphorie, les jeunes poursuivirent encore plus loin dans la grotte, jusqu’à trouver une rivière souterraine. Dans leur inconscience, ils décidèrent tous deux de la traverser sans se sécuriser. Et ce qui devait arriver arriva : une plaque de calcaire instable céda sous leurs pieds, et ils furent entraînés sur plusieurs centaines de mètres dans les profondeurs d’une ouverture souterraine. Quand ils reprirent leurs esprits, ils étaient au coeur d’une pénombre totale. Ils avaient perdu leurs sacs à dos et lampes de poche dans cette séance de glissade impromptue et dangereuse. Mais au moins, ils étaient en vie. Paniqués, ils se mirent à tâtonner à travers les sombres cavernes, mais il était impossible de s’orienter. Et ils se mirent à réaliser une chose : ils étaient perdus.

Au moment où j’étais sur le point de fondre en larmes, un rayon de lumière se fit entrevoir au loin. Je cru qu’il s’agissait d’une simple hallucination d’abord. Mais le faisceau devenait de plus en plus important. Kjell commençait aussi à le voir. Nous avons appelé à l’aide, mais personne ne répondit. Plus la lumière s’approchait, plus notre peur grandissait. Et là, nous le vîmes : Södtjofsvörnson.

– Morten Holm

 
La lueur de son sceptre illuminait son visage ridé. Il mesurait environ un mètre et regardait fixement les deux jeunes hommes.

Il nous dit que nous avions pénétré trop loin dans son sanctuaire, et qu’il nous aurait fait disparaître sans autre forme de procès s’il n’avait pas décelé la peur sincère sur nos visages. Si nous ne voulions pas rester comme lui pour l’éternité dans cette grotte, il nous conseilla vivement de déguerpir. Nous le priâmes de ne pas nous faire de mal, et de tout simplement nous montrer la voie à suivre pour sortir. Il éleva son sceptre, et une vive lumière nous aveugla. Puis, tout devint noir.

– Kjell Henriksen

 
Quand les jeunes hommes revinrent à eux, ils se trouvaient à nouveau à la surface. À la fois choqués et émerveillés, ils se dirigèrent tous penauds vers leurs maisons. Dans les semaines suivantes, ils dévorèrent tous les ouvrages concernant les légendes autour de la grotte, et rencontrèrent de nombreux récits concernant un vieux troll qui vivait supposément dans la Grønligrotta. D’autres sources médiévale évoquaient Södtjofsvörnson, un vieil homme qui selon les dires s’était retiré en ermite dans la grotte pour faire des expériences avec des cristaux magiques. Ce devait être lui – Kjell et Morten en étaient certains. Bien évidemment, leurs parents, professeurs et amis considéraient tout cela comme des balivernes issues de l’imagination débordante des deux jeunes hommes, mais eux deux étaient convaincus de son existence : ils l’avaient vu de leur propre yeux. Et il leur avait sauvé la vie. Cela fut le point de départ de leur passion pour le surnaturel et la spéléologie. Et plus de 30 ans plus tard, Kjell et Morten sont forts d’un bilan impressionnant : la plupart des réseaux de grotte découverts et cartographiés dans les dernières décennies au Nord du cercle polaire sont à mettre à leur compte. Mais même lorsqu’ils revinrent des années plus tard en tant que spéléologues chevronnés dans la Grønligrotta, ils ne revirent jamais Södtjofsvörnson.

On dit qu’il ne vient en aide qu’à ceux qui se mettent en danger par naïveté et inconscience… et on est devenus trop professionnels pour ça. Quoique… Kjell l’est plus que moi en tout cas (rires).

– Morten Holm

Le Soleil des Abysses

2009

Lorsque l’archéologue et plongeuse islandaise Sonja Gudridsdottir libéra la statuette des algues et la ramena à la surface, son cœur battait la chamade. Il n’y avait plus aucun doute : l’épave qui gisait sous ses pieds au fond de la mer était bel et bien le navire de son éminent professeur et directeur de thèse Hans Hoas ! Dans le même temps, cela signifiait que son expédition dans la Mer de Norvège un an auparavant s’était effectivement mal terminée – ce qui expliquait pourquoi il n’avait donné aucun signe de vie depuis un moment. Mais pourtant, aucune trace de son corps à bord.

Il devait certainement dériver dans les profondeurs. Sonja eut une sueur froide. Elle ne connaissait que trop bien cette statuette, qu’elle avait vue de nombreuses fois dans les croquis du professeur. C’était la statuette de la déesse marine Ran, qui se trouvait à l’origine à bord du « Tre Kronor », un navire royal qui partit un jour au large à la recherche de la Source de Vie. Selon de vieilles légendes, cette statuette devait servir de talisman pour apaiser l’ire de la déesse marine lors des traversées. Mais peut-être à cause d’un adjudant tête-en-l’air, d’un capitaine étourdi, ou tout simplement par manque d’attention, la statuette fut un jour oubliée et resta au port lors d’une expédition. Le navire coula et ne fut jamais retrouvé. On rendit l’absence de la statuette responsable du naufrage, vu qu’elle était censée protéger le navire de la déesse marine. Ce qui semblait néanmoins mystérieux aux yeux de Sonja, c’était le fait que le navire du professeur ait coulé malgré la présence de la statuette à son bord. En la tenant dans ses bras, Sonja tenta de se remémorer ce qu’elle avait lu dans les écrits anciens à propos de Ran :

«… Le jour, le géant Dag chevauchait les cieux et faisait scintiller de mille feux les océans qui reflétaient son destrier Skinfaxi, dont la crinière ardente éclairait le monde d’une éclatante lueur. La nuit cependant, les ténèbres régnaient dans les abysses, et de nombreux marins perdaient la vie. »

 

La déesse marine Ran régnait sur les océans aux côtés de son époux Aegir, et emportait les marins noyés dans son royaume des morts. Elle cherchait à trouver une solution pour retenir la lumière du soleil, afin que le fond de ses océans soit aussi éclairé de nuit. L’or des Hommes, dont le scintillement fascinait Ran, semblait tout désigné pour remplir cette tâche.

Ainsi, Ran promettait d’épargner la vie des aventuriers naufragés s’ils acceptaient en échange d’offrir toutes leurs richesses à la mer.

Ran amassait ses trésors au fond de la mer, et la lueur des océans, générée par l’or de la déesse de nuit, les couronnes d’écume reluisantes de ses 9 filles et les embruns nocturnes étincelants, fut bientôt connue sous le nom de « Meresvlam ». Certains l’appelaient aussi le « Soleil de Ran » ou le « Soleil des Abysses ».

Le matin du 10 août 2009, Sonja partit en mer avec son bateau à moteur. Dans une caisse étanche, elle avait trouvé quelques effets personnels, de l’argent et une montre en or à côté des documents du professeur, qu’elle conservait désormais avec la statuette dans une malle sur le pont.

Sonja suivit le cap indiqué dans les notes du professeur. C’était une sortie en mer paisible et ensoleillée, et elle était de bonne humeur. Mais quand la nuit se mit à tomber, alors que les premières aurores boréales dansaient à l’horizon, une terrible tempête se leva. Sonja n’avait jamais rien vu de tel. Le bateau se balançait d’une vague à l’autre, comme une vulgaire balle de ping-pong, et des trombes d’eau s’abattaient sur le pont.

« J’essayais de m’agripper de toutes mes forces à un câble, quand le bateau fut entraîné vers le fond. J’étais aspirée par une force incommensurable, comme si l’eau était soudain devenue vivante. L’instant d’après, le bateau se souleva brutalement. La malle contenant la statuette fut projetée sur le bastingage par le courant. Sous l’effet du choc, elle s’ouvrit et la statuette en tomba. Immédiatement, une gigantesque forme, presque transparente, se mit à scintiller au fond de la mer. Elle était entourée d’un halo de lumière. Le fond de l’océan était couvert d’or et brillait comme un soleil. Et là, je le vis ! Le professeur Hoas qui déambulait, le regard vide, attaché à une chaîne d’ancre. Mais derrière lui, d’autres personnes se tenaient, les yeux aussi inertes que les siens, mais qui se déplaçaient comme des vivants – certains buvaient de l’hydromel, d’autres dansaient ! Puis je me souvins d’une chose ! On disait que Ran laissait la vie sauve à ceux qui donnaient tous leurs trésors en échange. Mais cela ne signifiait pas automatiquement qu’ils ne finiraient pas noyés ! S’ils avaient payé leur tribut, Ran les laissait cependant vivre dans son royaume des morts, au beau milieu de ses richesses !

Dans l’instant, j’arrachai mon collier, je retirai mes bagues et je les tendis à Ran. Elle me regarda d’un air inquisiteur. Dans la panique, me souvenant des effets du professeur Hoas, je mis la main sur la caisse dans la malle, avant de lancer l’argent et la montre du professeur en sa direction. Je commençais vraiment à manquer d’air ! Ran soupira, puis un sourire se dessina sur son visage.

Du coin de l’œil, je vis soudain une lueur que je n’avais pas décelée auparavant. En me retournant, je pus constater que la statuette avait commencé à luire. Je me mis à nager en hâte vers elle, avant de la prendre dans mes bras. Aussi vite que j’avais été entraînée sous l’eau, la statuette me catapultait maintenant en direction de la surface. J’eus encore le temps de voir la chaîne de l’ancre se détacher de la cheville du professeur Hoas, qui semblait agiter sa main en signe d’adieu. »

 

Comme nous le savons désormais, grâce au récit de la mission périlleuse de Sonja, la statuette aurait également pu sauver la vie du professeur Hoas. Mais son avarice lui fut manifestement fatale. La statuette permet ainsi de mettre en lumière la futilité de nos possessions face à l’inestimable valeur de la vie, tout en nous apprenant une chose : seuls ceux qui sont prêts à donner d’eux-mêmes seront récompensés par la gloire et la sagesse à la fin.

La Bête de Ténériffe

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Au cours d’une longue excursion photographique dans le cadre de ses études de photographie, Carolina Francisca Zavala, qui avait à peine 27 ans à l’époque en 2011, parvint à retrouver la trace de la dépouille légendaire de la « Bête de Ténériffe », que l’on croyait disparue à jamais. Dans son rapport d’expédition, elle écrit :

 

« Dès mes six ans, j’avais développé une fascination pour le film de Jean Cocteau « La Belle et la Bête », que j’avais regardé un nombre incalculable de fois avec mon grand-père, dans son cinéma de Bilbao. Plus tard, la version dessin animé du film me fit redécouvrir cette histoire qui me fascine encore maintenant. »

 

Lors d’un voyage dans les îles Canaries, la belle jeune femme apprit l’existence de Pedro González, un gentilhomme espagnol que l’on avait surnommé en son temps, en 1537, « la Bête de Ténériffe ».

 

« Lorsqu’on me raconta l’histoire de Pedro González, j’eu immédiatement cette drôle d’impression d’avoir déjà entendu parler de lui. Après des jours de recherches acharnées, je finis par tomber sur une histoire de l’écrivaine française Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve, qui fut l’instigatrice de la première version littéraire de « La Belle et la Bête ». Manifestement, elle fit la découverte de la légende de Pedro González dès 1740, et fut grandement inspirée par l’histoire de sa vie. Peu à peu, je commençais à entrevoir qu’il devait être la « bête » dont parlaient toutes ces œuvres. Au cours de mes enquêtes, j’appris que Pedro González fut amené à l’âge de 10 ans dans la cour du Roi français Henri II et y fut considéré comme un singe. »

 

Vu qu’il était atteint d’hypertrichose, une maladie congénitale qui se caractérise par un développement anormal du système pileux, on lui donna le surnom moqueur d’ « homme singe » ou encore de « sauvage ». Dans sa jeunesse, Pedro González tomba amoureux d’une jeune femme, et essaya de la conquérir. Mais elle l’éconduisit et le railla. Cette humiliation publique atteignit son triste paroxysme lorsqu’elle l’invita à son mariage avec un beau prince – afin d’amuser les invités du mariage.

 

« J’étais verte de rage en apprenant cela ! Pedro González, qui était entre temps devenu le protégé d’Henri II et qui parlait même le latin, était un gentilhomme. Il ne digéra pas ce dénigrement, et jura de se venger. Il engagea un duel avec le prince, mais s’il était très habile de sa plume, il l’était bien moins avec l’épée. Étant gravement blessé suite au combat, il fut contraint de prendre la fuite. »

 

Bouleversée par cette découverte, Carolina pris ensuite la décision de suivre les traces de l’histoire de la bête pour en connaître l’aboutissement. Quand elle se rendit en Italie grâce à la bourse qu’elle avait obtenue auprès de l’Académies des Arts de Barcelone, elle mit la main sur des preuves attestant que Pedro González avait survécu au combat.

 

Dans la cour de Marguerite de Parme, des tableaux de l’époque qui représentaient Pedro González somptueusement vêtu avaient refait surface. Il avait fini par trouver une femme, qui avait décelé sa beauté intérieure et qui l’épousa malgré son apparence. Sur les tableaux, elle n’affichait aucune anomalie de son côté. Sa peau paraissait douce et tendre, et dépourvue de toute pilosité. Mon cœur fut empli de bonheur alors que les pièces du puzzle s’assemblaient dans ma tête. Le conte préféré de mon enfance était lié à des événements réels. Pedro et sa femme Catherine eurent même sept enfants ensemble ! Je voulais désormais tout savoir de lui, pas seulement sur sa vie, mais aussi où il était mort. »

 

Elle resta plusieurs jours à Parme, et discuta avec des bibliothécaires et des experts de la noblesse. Elle visitait sans cesse des cimetières et des ruines de l’époque, et arpenta les anciennes terres de Marguerite de Parme. Mais elle perdit sa trace. La consternation fit place à l’euphorie.

 

Ça faisait des jours que j’usais mes talons et que mes jambes étaient douloureuses comme si j’étais plusieurs fois centenaire. J’avais épluché d’innombrables livres et grimoires répertoriant d’anciens arbres généalogiques, et écumé les cimetières sans pour autant trouver de nouveaux indices.

 

Bien qu’elle ait déjà planifié son retour, elle fit un dernier tour sur les terres de Marguerite de Parme, afin de prendre quelques photos en souvenir.

 

Quand je regardai à travers le viseur de mon appareil photo, je n’en cru pas mes yeux. Au beau milieu de la forêt, entre les arbres, se dessinaient les contours d’un tombeau de pierre.  En m’approchant, je découvris que le tombeau était vide. J’étais sur le point de m’en aller, quand je vis soudain sur une butte les contours d’une tablette de pierre brisée qui comportait des armoiries abîmés par les éléments : les armoiries de Pedro González ! Je mis toutes mes forces à contribution pour retirer la tablette, et ouvrir l’entrée secrète. Pleine d’excitation, j’allumais ma lampe de poche et je pénétrais dans le caveau. Je me suis ainsi retrouvée dans un tombeau où trônait, au beau milieu, un sarcophage pratiquement intact. Une grande plaque funéraire recouverte de mousse ornait le mur. Tremblante, je grattai la mousse pour faire apparaître des mots qui avait traversé les siècles :

« En mémoire de notre bien-aimé père et fidèle époux Pedro González – Catherine, Tognina, Alejandro, Anna, Francesco, Leonardo, Tia et Maria. »

Des larmes se mire à couler, alors que cette histoire d’amour s’achevait enfin sous mes yeux. Ce fut de loin le moment le plus émouvant de ma vie ! »/blockquote>

 

Lorsque le sarcophage fut ouvert sous la supervision de plusieurs archéologues de l’Adventure Club of Europe (ACE), on trouva parmi les ossements de Pedro González un masque mortuaire bien conservé ainsi que les restes de son costume. Le masque mortuaire est depuis lors en possession de l’ACE. Carolina Francisca Zavala a été solennellement intronisée en tant que nouveau membre suite à cette trouvaille majeure.

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Le Chimpanzé Géant du Congo

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Rapport d’expédition de Dame Victoria Stanley.

« La jungle a encore tant de secrets à nous livrer »,

Déclarais-je alors que je m’éloignais du sentier battu pour m’engager dans les épais taillis. Nous étions au Congo, dans la région de Bili et Bondo, à la recherche de singes géants.

Tout ce que nous savions sur ces animaux émanait des quelques légendes qui nous furent contées par les habitants de cette zone. Mais je n’arrivais pas à définir quelle était la part de vérité et la part de fiction dans ces histoires. Je suis une femme de science, et je ne m’arrête pas aux simples racontars. De plus j’avais le duplicata d’une représentation issue de Belgique, à laquelle je tenais comme à la prunelle de mes yeux.  En 1898, un officier belge a rapporté trois crânes de singe de cette région à Bruxelles. Ils étaient extraordinaires, et on les considéra comme de simples caprices de la nature. Moi je ne crois pas à ce genre de caprices. Je voulais voir ces singes de mes yeux, et je les chercherais jusqu’à ce qu’ils se montrent.

Des chasseurs locaux nous avaient indiqué l’existence de populations de singes dans la partie Ouest de la forêt, où coulait une rivière, et d’une population plus restreinte à l’Est, là où même les plus jeunes hommes du coin n’osaient se rendre.

L’un de mes cinq askaris était un gars très futé, maniant les armes à merveille et doté d’une ouïe de lynx. J’étais rassurée quand c’était lui qui suivait les pistes et guidait l’expédition à travers la jungle. Je crois qu’il nous a plus d’une fois sauvé la mise. Ce fut donc ce jeune askari qui perçu, le troisième jour de notre expédition, nous étions le 20 octobre 1902, des bruits sourds et des cris. Je n’avais rien entendu, et il en allait de même pour mon lourdaud de collègue Engeland ainsi que les autres askaris – tous tendaient l’oreille, mais sans succès. Je n’avait néanmoins aucune confiance en leurs oreilles. Elles avaient été abîmées et usées par les détonations de leurs armes, et les jacasseries de leurs femmes avaient fini le travail. Néanmoins, mon premier askari semblait attiré tel un aimant par ce bruit perçu, et je le suivais aveuglément. Bientôt j’entendis aussi des cris, et un bruit de tambourinement. Tous les autres étaient restés en retrait. Je n’avais pas peur, je me sentais que j’étais à seulement quelques mètres d’une grande découverte, là, dans les épaisses broussailles de la jungle. Un cri perçant se fit entendre à travers la forêt. Un singe. Je finis par le voir. À environ 10 mètres de moi, assis sur une pierre. Derrière lui se tenaient environ dix autres spécimens, qui tambourinaient vertement sur le sol. Je n’arrivais pas à les classer – jamais je n’avais vu une telle espèce de singes. Leur taille me laissa bouche bée. Certains d’entre eux mesuraient certainement entre 2 et 3 mètres de hauteur. Leur fourrure était panachée de poils blancs, noirs et gris. Les pierres, sur et entre lesquelles ils étaient assis, avaient l’air d’être disposées en une formation particulière. Oui, je pense qu’ils étaient assez forts pour déplacer des pierres de cette taille et aussi lourdes. Mais j’eu une sueur froide quand je finis par réaliser qu’ils devaient aussi être d’une extrême intelligence pour placer des rochers dans une telle formation.

Expedition Congo

Le singe poussa à nouveau un cri et me regarda droit dans les yeux. Une main m’agrippa par derrière. C’était l’askari qui m’entraînait au loin. Il était sûrement en train de me sauver la vie en m’éloignant de ces gigantesques singes, mais sur le moment, je le maudissais. Je n’avais aucune preuve, rien. Juste un cœur qui battait la chamade et des mains vides.

Dans les jours qui suivirent, nous ne parvînmes pas à retrouver la formation de pierre.

Quels étaient donc ces êtres ? Nous avions toutefois découvert des nids au sol. Mais les chimpanzés préfèrent généralement grimper aux arbres pour aller dormir. Nous avions ainsi affaire à une espèce de singes qui construit des nids. J’étais horriblement nerveuse et débordante d’entrain. Ces singes m’appartenaient. Et pourtant, je n’avais plus l’impression de suivre leur trace – mais que c’étaient eux qui avaient pris possession de moi et qui me pourchassaient. Toutes les nuits dans mes moindres rêves.

J’avais dirigé l’expédition sur un volcan à l’Ouest, en espérant découvrir la population de singes observés dans cette zone. À 3 100, nous établîmes notre tente. Nous avions auparavant recouvert le sol de mousse. La crête était si étroite, que certaines des sardines de la tente durent être plantées dans le talus.

Dans la nuit, ils nous rattrapèrent. Depuis notre campement, nous vîmes un troupeau de singes géants de couleur noire et blanche, qui tentaient de grimper sur le plus haut sommet du volcan.
Pendant que mon maladroit collègue Engeland rata complètement sa cible en tirant en l’air, les askaris parvinrent à en terrasser deux avec leurs flèches empoisonnées. Ils tombèrent lourdement dans un ravin vers le Nord-est du cratère. Le reste du troupeau prit la fuite.
Après cinq heures d’efforts éreintants, nous parvînmes à remonter le corps de l’un des animaux à l’aide d’une corde.

C’était un singe mâle mesurant environ deux mètres et demi, et qui pesait environ 180 kg.  La poitrine de couleur blanche, des mains et pieds de taille gigantesque. J’étais bouleversée à la vue de ce gigantesque singe, allongé silencieusement devant moi. Ce n’était pas un chimpanzé. Et des gorilles, il y en avait dans la plaine, mais pas dans cette zone. Puis je ressentis cet élan de bonheur qui montait en moi : je venais de faire une véritable découverte, une nouvelle espèce. C’était l’expédition de ma vie.

Nous stoppâmes les recherches et nous fîmes demi-tour. J’étais complètement euphorique, et je n’avais pas remarqué que les indigènes étaient en proie à la panique. Ils semblaient croire que nous avions tué un esprit, et qu’ils seraient punis par une maladie, une catastrophe naturelle, ou je ne sais quoi comme plaie. Même le jeune askari, que je considérais comme une lumière, se détourna de moi.

J’ai envoyé le singe géant à Londres, au Musée d’Histoire Naturelle. Malheureusement, une vilaine hyène avait rongé un peu de chair et une main de mon singe, mais grâce au crâne et au squelette, ma découverte fut confirmée. J’avais mis la main sur une espèce de chimpanzé inconnue.

Aujourd’hui encore, je pense souvent à ma grande découverte, et malgré la fierté, je ne peux m’empêcher de me poser cette question sans réponse : quelle était la signification de cette formation de pierres. J’espère que ceux qui poursuivront ma quête parviendront un jour à résoudre cette énigme.

 

Actuellement en possession de l’Adventure Club of Europe

Artéfacts :

  • Une partie des restes du gorille des montages
  • Un dessin des souvenirs de V. Stanley à propos des gorilles dans leur formation de pierres

 

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Le Yéti du Bhoutan

Il était minuit, un soir de mai 1951, lorsque le célébrissime alpiniste et éminent membre de l’Adventure Club of Europe Richard Steinwinkler arriva sur un plateau reculé de l’Himalaya. Son expédition : l’ascension des 8000 mètres du Kula Kangri en solitaire et sans bouteilles d’oxygène

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« Je regardais autour de moi pour repérer un endroit adapté pour établir mon bivouac, et soudain, je vis une grande silhouette disparaître derrière une corniche »,

écrit R. Steinwinkler pour décrire ce moment poignant.

« Instinctivement, ma première idée fut immédiatement : le yéti ! À cette époque, j’avais déjà exploré les sommets d’Asie entre 10 et 15 fois, et je n’avais jamais trouvé le moindre indice valable jusqu’alors de l’existence éventuelle de l’homme des neiges. Et en toute honnêteté : je considérais l’hypothèse même du yéti comme une chimère inventée de toutes pièces. Et malgré cela, à ce moment précis, je sentais qu’il fallait que j’aille de l’avant. Alors je me suis mis à avancer prudemment et en silence vers la corniche où j’avais vu apparaître cet être mystérieux. »

 
Steinwinkler, qui avait été élu meilleur alpiniste d’Europe l’année passée, décrit d’abord le désenchantement ressenti après avoir contourné la corniche.

« On n’y voyait rien aux alentours, et mon pouls se mit à ralentir. J’aurais presque pu croire que cette vision était le simple fruit de mon imagination, si je n’avais pas décelé l’instant d’après une gigantesque trace de pas dans la terre glaise. »

 

Après avoir d’abord pris une photo de l’empreinte de pas, R. Steinwinkler suivit les traces de l’être plusieurs heures, jusqu’à ce qu’il atteigne une côte et qu’il aperçoive un autre plateau.

 

Et là, je le vis. À cinquante mètres de moi, il mesurait environ quatre mètres de haut, marchait sur deux pattes, et on ne le distinguait que lorsqu’il était en mouvement. Quand il était immobile, sa silhouette se confondait avec la roche autour de lui.

Expedition Yeti

« Ma seule pensée était alors : pourvu qu’il ne me remarque pas. La curiosité et l’euphorie s’évaporèrent soudainement. Elles firent place à l’effroi. Avec les mains tremblantes, je saisis mon appareil photo, et je pris plusieurs clichés. Puis je me mis à rebrousser chemin, lentement et sans bruit. Ce fut là ma première et ma dernière rencontre avec le Yéti. »

 

Les années qui suivirent, le célèbre alpiniste fut sujet aux moqueries en rapport avec cette découverte. On remettait en cause l’authenticité de ses photographies. Richard Steinwinkler ne comprend toujours pas cette incrédulité.

 

« Je sais que le yéti existe. Je ne dis pas que c’est exactement l’être légendaire dont les Hommes parlent depuis la nuit des temps. Il s’agit peut-être d’une espèce animale totalement inconnue. De la famille des singes, ou peut-être même des ours. Je trouve que nous sommes naïfs de croire, nous les Hommes, que nous avons déjà découvert tout ce qu’il y avait à découvrir sur cette planète. »

 

4 ans plus tard, le 8 août 1955, un autre chapitre de l’histoire du yéti s’ouvrait. Lors de l’un de sesvoyages, Richard Steinwinkler reçu de la part d’un ami népalais, qui souhaitait rester anonyme, un cadeau surprenant : le prétendu scalp d’un yéti, retrouvé au sein d’un monastère tibétain abandonné.

« Je me suis d’abord montré sceptique, et je me demandais si je devais accepter ce cadeau : soit le scalp est un faux et je prenais le risque d’appuyer mon témoignage avec une contrefaçon, soit le scalp est réel et appartenait à un animal – peut-être le yéti – qui a été chassé et tué en conséquence. Cela me fit froid dans le dos de penser que le yéti ait fini par être victime de braconniers. Malgré tout, je pris la décision d’accepter le scalp, et de le mettre à disposition de l’Adventure Club of Europe. »

 

Aujourd’hui encore, on peut contempler le scalp du yéti au sein du clubhouse de l’ACE. En 1999, une analyse ADN arriva à la conclusion que le scalp appartenait à une espèce animale inconnue.

 

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Le Disque de Nebra

Lorsque Lara Christensen passa les portes du clubhouse de l’Adventure Club of Europe le soir du 4 juillet 1999, elle était encore visiblement choquée. Mais qu’était-il donc arrivé à l’archéologue et astronome danoise, qui était à l’époque le plus jeune membre féminin de l’ACE du haut de ses 34 ans ?

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« Entre 10h et 10h15…

… sur la colline de Mittelberg, j’étais enfin parvenue à découvrir la tombe que je cherchais depuis 4 mois »,

écrit L. Christensen dans son rapport à propos du lieu où se déroulèrent les événements, à proximité de la ville de Nebra, en Allemagne.

Je me suis glissée dans la chambre souterraine en passant à travers une fente étroite, et j’ai allumé ma lampe de poche. Le sol était argileux, l’air pauvre en oxygène, mais j’ai tenu assez longtemps pour atteindre une estrade, où le disque de bronze reposait. J’avais du mal à croire ce que je voyais. Cela ressemblait à une représentation antique de la voûte céleste avec – à première vue – l’amas d’étoiles des Pléiades.

Je suis allé respirer un peu d’air frais, puis je me suis aventurée dans un autre recoin de la chambre funéraire. La roche avait l’air plutôt fragile, donc je progressais avec précaution.

Ce que je vis ensuite ressemblait réellement à ce que j’appellerais un « système de coordonnées de l’âge de bronze ». Des pierres taillées en finesse étaient disposées en demi-cercle, et servaient probablement à projeter des marquages complexes sur une dalle de pierre gravée – certainement à l’époque où la chambre funéraire était encore à ciel ouvert il y a quelques milliers d’années.

Au milieu de la dalle de pierre, un espace vide circulaire pouvant accueillir le disque de bronze se dessinait. Je vous le dis : il s’agissait là une carte de l’espace intersidéral ! Et ce n’est pas tout : La lueur de ma lampe de poche généra des ombres, qui semblaient indiquer un chemin.

Mais soudain, j’entendis des voix se rapprocher, et je me suis effrayée. Deux hommes me sautèrent dessus, et m’arrachèrent le disque de bronze des mains. J’ai bien essayé de me défendre, mais l’un deux dégaina un pistolet, ce qui me fit prendre le large. Dans le tumulte de la bagarre, l’un des deux hommes renversa les pierres fragiles, et toute la chambre funéraire se mit à trembler.
Je parvins à sortir à temps, et me mis à courir avec la mort aux trousses, alors que la chambre funéraire commençait à s’ensevelir derrière moi.

J’entraperçu encore les deux hommes qui prenaient la fuite avec le disque de bronze, avant qu’ils ne disparaissent dans la forêt. »

Le rapport de Lara Christensen se termine ainsi.

Queleques mois après sa découverte, l’artéfact, qui sera connu plus tard sous le nom de « Disque de Nebra », fut repéré sur le marché noir, et on le remit au Land allemand de Saxe-Anhalt, auquel appartient la ville de Nebra. A ce jour, Lara Christensen tente encore d’obtenir une autorisation, de reconstituer la chambre funéraire sous les décombres, et de mener des recherches autour du disque.  Son but est de découvrir ce que la carte céleste indiquait.

Des conflits entre les différentes instances administratives du Land ont pour l’instant empêché toute avancée en ce sens. Il faudrait d’abord prononcer une « autorisation de reconstitution de chambre funéraire », selon une collaboratrice haut-placée du ministère. Mais pour cela, il faudrait tout d’abord procéder à des « études de stabilité de la végétation » de la colline, et rédiger un « acte de rapatriement sécurisé de l’artéfact ».

Dans le ministère, un poste entièrement dédié à ce cas a été crée il y a 10 ans déjà.

 

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L’Éclair des Grottes d’Hintertux

Les membres de l’Adventure Club of Europe restèrent bouche bée quand le professeur Falco Wagner de l’Université d’Innsbruck eut terminé son rapport. Personne avant lui n’était parvenu à lever le voile sur le mystère de la légendaire grotte aux cristaux et diamants.
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« Il y a quelques années déjà, nous avons trouvé des outils, lames et pointes de flèches fabriqués en cristaux de montage dans la région d’Hintertux qui remontent à l’époque de l’homme de Néandertal »,

 

raconta Wagner d’une voix tremblante.

« J’avais entendu parler de ce mythe dans de vieilles légendes millénaires. On racontait que les portes d’un autre monde s’étaient ouvertes – un monde plein d’êtres magiques, de cristaux et de diamant, qui étaient si nombreux qu’on aurait pu remplir la Chambre d’Ambre avec. Mais l’avidité des Hommes se fit rapidement grandissante. On se mit à surexploiter le gisement, et la punition des Dieux ne se fit pas attendre : un puissant éclair frappa le massif de montagne, et le peu de personnes qui connaissaient l’entrée de la grotte furent touchés par une étrange malédiction, et moururent dans des conditions mystérieuses. J’ai cherché longtemps. J’ai voyagé des Alpes jusqu’à la Mer de Ligurie, en passant par le bassin carpatique. Mais ce furent les nombreuses découvertes d’artéfacts en cristaux qui me guidèrent sur la bonne piste. »

 

 

Depuis Innsbruck, il poursuivit ses recherches, il escalada les Alpes maintes fois, et son épouse Hedwig du le remettre d’aplomb plusieurs fois à coups d’eau-de-vie ou de thé chaud après ses longues sorties. Dans son journal, il écrit :

 

Le matin du 4 janvier, je crapahutais dans les Alpes autour d’Hintertux. J’eu peine à en croire mes yeux, quand je vis la brèche, à peine plus large qu’un corps humain. Une lueur bleutée venait de l’intérieur, et faisait briller les gentianes qui poussaient aux alentours ! La grotte aux diamants était enfin à portée de main, ma quête arrivait à sa fin. C’était sûr et certain ! Des éboulis et des morceaux de roche avaient enseveli l’entrée de la grotte. Un éclair avait frappé ici il y a des centaines d’années ! »

 

Il se glissa donc à l’intérieur et vit l’incroyable !

 

Par chance, j’étais encore maigre comme un clou grâce à mes nombreuses randonnées, je pus donc me glisser sans peine dans la brèche ! Au beau milieu de la grotte bleu trônait une vieille locomotive à vapeur avec un wagonnet. Elle fumait et sifflait. Je me sentis attiré vers elle comme par magie. J’eu à peine le temps de m’approcher, de toucher sa rambarde et de sauter à bord que des éclairs et un grondement se firent entendre. J’eu du mal à me retenir pour ne pas tomber. Bien que l’on n’y voyait pas grand chose, c’était comme si une nouvelle dimension d’ouvrait devant moi, à la fois si inconnue et si familière que j’en oubliais qui j’étais. Je traversais un univers parallèle à bord de la machine – quelle bénédiction ! Plus rien n’était comme avant ! Quand je touchais les diamants et cristaux qui créaient la lueur bleutée, j’aperçu des êtres et des formes jamais vus auparavant. Enfin je savais que j’avais atteint mon but ! L’éclair avait certainement aussi frappé le train ! La colère divine s’était abattue et avait ouvert les portes d’une autre dimension…
Mais le plus étonnant était encore à venir : quand après une courte pause, je remontais à bord du train, je vis encore de nouvelles choses sensationnelles ! Le train magique ne permettait pas d’accéder à un seul monde parallèle, mais bien à une multitude de dimensions merveilleuses. Je peine à décrire à quel point cette découverte à changé ma vie ! Quelle source d’inspiration, quelle aventure ! Toute ma vie, j’ai parcouru le monde à la recherche d’un indice, d’une preuve de la véracité de la légende, et là, au cœur des Alpes, d’innombrables univers s’offraient à moi. Et c’est moi qui ai eu l’honneur d’en faire la découverte ! »

 

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